N. Djokovic : récit d’une année Extra Ordinaire

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Parce que cette année est en tout point différente des précédentes, je reviens cette semaine sur la saison de Novak. Vraiment à part, elle est à classer dans un autre registre que les précédentes…

🔘 Chapitre 2 : Préparer sa terre pour semer du gazon

PARTIE II

Arrivé de Belgrade la veille, c’est sous un grand soleil parisien que l’on retrouve Novak Djokovic à l’entrainement. Le Serbe frappe la balle sur le court n°3 avec Aslan Karastev. Il fait doux. Dans une ambiance paisible, une poignée de journalistes et photographes ont les yeux rivés sur les moindres faits et gestes du champion.

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Il y a quatre jours, le tirage au sort a placé Nadal dans la même partie de tableau que Djokovic. Si les deux hommes s'affrontent, ce sera donc en demi-finale, et non en finale comme l'an dernier. Cerise sur le gâteau, Federer se retrouve avec eux…

En conférence de presse, Nole est d’ailleurs revenu sur sa dernière édition ici Porte d’Auteuil fin 2020 et cette finale perdue sèchement face à R. Nadal. Elle a laissé des traces. Mais il l’assure : "Cette année, le niveau de mon tennis sera différent."

Un premier tour expéditif, programmé en night session, face à T. Sandgren, lui permet de lancer idéalement son tournoi. Et le tarif sera le même pour ses prochains adversaires lors cette première semaine. P.Cuevas et R. Berankis n’y peuvent rien, trois rencontres et aucun set concédé : le Djoker n'a pas le temps cette année.

Et comme si tout était "trop facile", la suite sera bien différente…

Opposé à L. Musetti en huitième de finale, le Serbe est complètement déstabilisé par l’audace du jeune homme de 19 ans. Le n°1 mondial est moins clinique que d’ordinaire.

Mené d’un break dans les deux premiers sets, l’Italien ne se décontenance pas. A coup de volées réflexes, raquette dans le dos, ou de lobs gagnants improbables, il revient, à chaque fois, dans chaque set. Mieux, il ira chercher les deux jeux décisifs des deux premières manches.

Le public est médusé : voilà le numéro 1 mondial mené 2 sets à 0. La carapace du Serbe est fissurée.

Mais le plus dur commence pour le jeune esthète. Conclure ce match. Et Novak ne le laissera pas espérer bien longtemps. Plus agressif, et surtout plus précis, il expédie la troisième manche en vingt minutes. Les «Allez Lorenzo !» des tribunes n’y changeront rien : Musetti ne marquera plus un jeu.

Epuisé et le regard vide, le jeune Italien finit par abandonner à 4-0 dans le set décisif. Tellement proche et loin à la fois… cruel.

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Voilà Novak qualifié pour son 15ème quart de finale à Roland Garros. Un record partagé avec R. Nadal. L’Espagnol et le Serbe sont à un match de se retrouver pour la 9ème fois Porte d'Auteuil.

Avant cela, un autre Italien se dresse sur la route du n°1 mondial : M. Berrettini. Qualifié suite au forfait de R. Federer, il arrive frais, avec seulement un set lâché en route.

Face à un public totalement acquis à la cause du Romain, l’ambiance est électrique. Le niveau de jeu est monté d’un cran. Les "Matteo ! Matteo ! Matteo !" qui sortent vigoureusement des travées du central à la moindre occasion, portent Berrettini qui revient à 2 manches à 1.

Le couvre-feu de 23h00 en France va changer la donne. Dans un silence de cathédrale, particulièrement troublant après environ 3h00 de folie en tribune, le Serbe fini par faire plier son adversaire en fin de partie avant d'exulter. Un cri de rage au terme d'une nuit rocambolesque. Aucun doute, Novak Djokovic ne voulait pas manquer une potentielle occasion d'affronter le maître des lieux, Rafael Nadal.

«C'était différent quand les gens sont partis, on a dû retrouver la motivation pour jouer, c’était très spécial. C'était une grande bataille ce soir, il joue avec beaucoup de puissance et de vitesse Je suis très content de ce que j'ai fait ce soir».

Programmé en soirée, le 58ème choc tant attendu entre les deux monstres aura bien lieu et ne décevra pas. 4h11 de jeu. 4 sets. Un niveau titanesque.

Et pourtant, tout n’avait pas idéalement commencé pour le Serbe. Comme un air de déjà vu, l’Espagnol prenait un départ canon, menant 5 jeux à 0. L’histoire se répétait une nouvelle fois. Djokovic était sonné. Quelques minutes plus tard et malgré une réaction d’orgueil de Nole, Nadal prenait inévitablement les rênes…

Ne s’avouant pas vaincu, le n°1 mondial entrait peu à peu dans son match. Deux breaks lui seront nécessaires pour boucler le 2ème set. Puis le chef d’œuvre est arrivé. Dans un troisième acte de toute beauté, où il fallait avoir le cœur bien accroché, les deux joueurs ont fait chavirer un court Philippe Chatrier déjà bien chaud.

Alors que Djokovic servait pour le set et prendre la main sur ce match, il craqua subitement. La pression était monumentale. Nadal revenait. Il allait même s’offrir une balle de set...

Moment choisi par Djokovic de serrer le jeu. Il tenait son service et s’offrait un Tie Break. Instants de légende, points extra ordinaires, le Serbe finissait par déborder l'Espagnol pour prendre les commandes du match.

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Dans une folle ambiance, dont on avait presque perdu le goût avec la situation sanitaire actuelle, l’heure du couvre-feu arrivait. Mais comme ce match ne pouvait se finir sans spectateurs, les 5000 chanceux ont obtenu une dérogation. Dingue. Moment hors du temps.

Public ou non, la tornade était lancée. Le n°1 mondial remporta 6 jeux consécutifs dans la dernière manche pour parachever son œuvre. Ce 2ème succès face au Majorquin à Roland Garros restera comme une des plus grandes performances de Djokovic dans sa carrière. Ne cherchez pas à la classer. Elle est déjà inclassable.

«C'est clairement mon plus grand match à Roland-Garros et dans le top 3 des plus grands matches de ma carrière. Ce match restera spécial, pas seulement parce que j'ai gagné, mais pour l'atmosphère de cette soirée. Il y a eu beaucoup de soutien pour les deux joueurs. Tout simplement incroyable. C'est une des soirées et un des matchs dont on se souvient pour l'éternité.»

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Novak a tout juste deux jours pour récupérer. Comme il l’a confié en conférence, il va savourer mais le tournoi n’est pas gagné. Sa dernière performance XXL lui a donné des ailes, il est en confiance mais il en faudra plus dimanche pour venir à bout du jeune loup, Stefanos Tsitsipas.

L'an dernier, le Grec avait pris deux sets à Djokovic en demi-finales à Paris, alors le n°1 mondial "s'attend encore à un match difficile". Dans le même temps Tsitsipas annonce la couleur : «Il est temps pour moi de montrer que je suis capable de jouer contre Novak».

24h plus tard, le Grec alliera la parole aux actes. Aux termes d’une première manche de toute beauté, achevé par un jeu décisif à rebondissements, Tsitsipas prenait la 1ère manche. Porté par le public, le vainqueur de Monte Carlo 2021 jouait juste et ne commettait que très peu de fautes.

Affecté par la tournure des événements, le n°1 mondial semblait amorphe. K.-O. debout avec ce "body language" négatif qu'on lui connaît parfois. Sans réponses de sa part, le deuxième acte filait à vitesse grand V, dans le sillage d'un Stefanos toujours ébouriffant.

Mais il y a un monde entre gagner deux sets en finale de Grand Chelem contre un Djokovic, un Federer ou un Nadal, et en gagner trois. L. Musetti le savait mieux que quiconque cette année…

Après un « reset », selon ses termes, dans les vestiaires, Novak est revenu sur le court avec d’autres ambitions. Un nouveau match commençait. Avec un relâchement retrouvé, il reprenait, irrésistiblement, le dessus. Paradoxalement, le Grec coinçait…

Et arriva ce fameux 4ème jeu à rallonge du 3ème set. Break Djokovic. Personne ne le sait encore, mais il ne se retournera plus. Le match vient de basculer définitivement.

Le Djoker s’envole vers un 2ème titre à Roland Garros, ne concédant plus la moindre balle de break. Une fois encore, il remontera son handicap de 2 sets. Et, comme un signe du destin, une nouvelle fois en 4h11…

Les superlatifs nous manquent pour décrire le personnage. Quel physique. Quel mental. Dans ce domaine, Novak Djokovic est devenu le maître. Le maître de lui-même.

«Tout au long de ma carrière, j'ai énormément travaillé l'aspect mental. Je me souviens de grands matches, notamment en Grand Chelem, que j'ai perdus à cause de ce dialogue interne, de cette conversation intérieure, qui prenait le dessus et qui me tirait vers le côté obscur. Quand je suis rentré aux vestiaires, il fallait que je verbalise tout ça à voix haute, que je devienne cette autre voix qui veut faire taire l'autre. Je me suis encouragé, je me suis dit que je pouvais le faire.»

Après une saison incroyable sur terre battue, le talentueux S. Tsitsipas n’aura rien pu faire. Lui non plus. Il vient à son tour de faire cet apprentissage cruel : même quand on est artiste, défier les monstres sacrés du circuit requiert un chef-d’œuvre.

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